Financement de partis politiques au cœur de l’élection présidentielle au Cameroun 2018

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La campagne présidentielle 2018 est au centre de l’actualité au Cameroun. La campagne électorale débute officiellement à partir du lundi 24 septembre 2018. Les partis politiques se préparent à battre campagne aux quatre coins du pays. Meeting grandeur nature, collation pour les partisans, tractage, campagne d’affichage, il faudra mettre le paquet pour séduire l’électorat camerounais.  A quoi peut-on s’attendre ? Aura-t-on droit à des meetings spectaculaires comme cela se fait outre atlantique ? Si pour l’instant, les interviews des candidats de l’opposition ont créé le buzz dans les chaines de télévisions. Les candidats devront faire « fort » lors de la campagne comme on dit souvent dans le langage familier au Cameroun.

Mais comment financer l’organisation des meetings ? Où trouver les fonds nécessaires pour réaliser une tournée de l’ensemble des régions territoire ?

  • Un financement des partis politiques au Cameroun très encadré

Depuis l’institution du multipartisme au Cameroun en 1990, le législateur a tenté d’instituer un cadre réglementaire sur le financement de la vie politique. Pour connaitre le cadre normatif à ce sujet, il faut s’intéresser aux textes de lois suivants :

Date Cadre réglementaire
19 Décembre 1990 Loi n°90/056 relative aux partis politiques au Cameroun
19 Décembre 2000 Loi n°2000/015 relative au financement des partis politiques et campagnes électorales
19 Avril 2012 Loi n°2012/001 portant sur le code électoral

Ces différentes législations ont permis au fil du temps de réguler les modes de financement de la vie politique. En effet, ils définissent à la fois les sources de financement autorisés, les modalités de financement public et les règles de contrôle pour garantir la transparence.

  • Un financement public jugé insuffisant

Depuis 2000, le législateur camerounais a mis en place une subvention modulée sur : le nombre de sièges dont ils sont titulaires dans les différentes assemblées politiques, les listes de candidatures investies pour chaque élection et les résultats finaux obtenus. Pour chaque exercice budgétaire, une enveloppe moyenne de 1,5 milliard de FCFA est réservée pour le fonctionnement des formations politiques. En 2011, l’élection présidentielle a officiellement coûté 20 milliards de FCFA. Les 23 candidats ont eu chacun 30 millions de FCFA comme financement de la campagne, soit un total de 690 millions. Depuis le 18 septembre, pour cette nouvelle échéance électorale, les partis en lice ont été invité par le ministère de l’administration territoriale a rentré en possession de la subvention de l’état. Il s’agit d’une première tranche qui s’élève à 15 millions de FCFA pour chacun des neuf candidats.  Plusieurs candidats déplorent que cette somme ne soit guère suffisante.

  • Financement privé : entre fundraising et soutien de militants fortunés

En termes de financement, les formations politiques tirent leurs ressources financières principalement des cotisations des membres, de la vente des cartes de membres, des dons et legs. Pour disposer d’une source de financement conséquente, il faut donc soit disposer d’une base de militant large soit de donateurs ou mécènes aisés. C’est en parti ce qui explique le succès à chaque échéance électorale du parti au pouvoir. A contrario de l’opposition, le parti au pouvoir peut se vanter de bénéficier du soutien de candidats fortunés. Cumulant souvent le statut d’hommes d’affaires et d’élus, ils vont battre campagne au profit du candidat de la majorité parlementaire dans leurs régions ou localités. Selon certains magazines en ligne ( lebledparle, journal du Cameroun), les collectes de fonds ont permis de réunir des centaines de millions de FCFA dans les régions du Nord, Sud et Nord-Ouest.

Pour rivaliser avec le parti au pouvoir, l’opposition à défaut de convaincre des mécènes fortunés locaux peut être tenter de se tourner vers l’occident. Mais cette solution n’est point envisageable compte tenu du cadre réglementaire. A la lecture des articles 275 au 287, il est formellement interdit de recevoir des financements étrangers. Les candidats au palais d’Etoudi doivent donc innover pour collecter les financements pour leurs campagnes électorales. Trois candidats ont lancé des cagnottes en ligne. Cela permet de collecter les fonds de la diaspora et d’assurer une transparence totale.

  • Frais de campagnes élevés : caution, déplacements, communication et meeting

Les prétendants à la magistrature suprême ont dû réunir une caution financière de 30 millions FCFA pour voir leur candidature validée par ELECAM. Ce montant est largement au-dessus des 5 millions FCFA à débourser lors des dernières élections présidentielles 2011.

Pour les candidats qui envisagent de faire une campagne sur l’ensemble du territoire, les frais de transports risquent constituer une part non négligeable de leur budget de campagne. A titre d’exemple pour un déplacement dans la région du nord à fort potentiel, il faut compter 100 000 FCFA pour un billet d’avion Douala-Garoua.

Si le parti au pouvoir peut se vanter de disposer de plusieurs sièges comme la maison du parti de Douala pour tenir ces meetings ce n’est point le cas des autres partis. Ils devront donc envisager la location d’espaces ou de salles.

Il faudra prévoir un budget de communication significatif pour toucher les 24 millions de Camerounais reparti sur une superficie de 475 442km². Frais d’impression d’affiches, de banderoles, tracts et goodies vont occuper une place importante dans le budget de campagne.

L’ensemble des candidats semblent avoir bien mûri la question. Cabral LIBII a dévoilé son budget de campagne chiffré à 200 millions. Un montant qui ne paraît point exorbitant compte tenu de conditions citées ci-dessous.

L’on a coutume d’attribuer la victoire du parti au pouvoir à la distribution de denrées alimentaires (sacs de riz, poissons et bières). Si un bon électoral ne s’achète pas mais doit se convaincre, les artifices autour des campagnes présidentielles américaines et françaises montrent l’importance de mettre le paquet dans l’organisation et l’animation de meeting. Il faut surprendre, étonner, éblouir pour être dans le top of mind des électeurs. Mais attention à ne pas confondre caisses de l’état et celle des partis politiques et à ne pas prendre la mallette d’argent bourré venue d’occident.

Crédit Photos : Africanews

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